Chronique de l'album de Médine sur Rap 2 France
"Arabian Panther"
| 10 Déc 2008
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"J'arrive du Havre en dérapage et c'est la pétarade/ Encaisses mes textes d'arabe c'est pas du gangsta rap"Ce sont les tous premiers coups de griffe que l'
Arabian Panther nous assène, pour nous ouvrir l'esprit à ce 3ème album, après
11 Septembre (2004) et
Jihad (2005). Ces lyrics ont le mérite de la clarté, dont
Médinea toujours su faire preuve. Cet album était attendu, car maintenant, le
jeune vétéran est en première ligne de l'armée des soldats du rap
militant. Vérifions tout de suite l'agilité de la panthère au combat...
Un rap toujours militantAprès des extraits du film
Malcolm X,
Médine arrive sur ce premier morceau,
Self Defense(1),
avec sa détermination habituelle, sur une instru tourbillonnante, pour
nous donner rimes et assonances d'une richesse appréciable. Il parle de
son rap, et s'efforce d'en poser les parallèles avec ses références
militantes et volontaires que l'on retrouvera dans l'album.
Une technicité poétique déconcertanteUn
Peplum(2)est un film s'inspirant d'histoire et de mythologie. Celui de Médine
est un bouquet de métaphores entre Monde Antique, Cinéma, et actualité
urbaine. Une création dans laquelle les femmes d'aujourd'hui sont
des Cléopâtre en taille basse, et les Maximus sont en Air Max...on
n’avait pas fait mieux depuis I AM. La technique de la répétition a
aussi une grande place dans cet album. L'usage de la répétition de
style commence avec un
Portrait Chinois(3), dont le principe est de répondre toujours à la même question "
si j'étais". Médine se livre à une succession de confidences, d'avis et de paradoxes, comme par exemple "
si j'étais rappeur, je serais Renaud"...un morceau qui donne donc à réfléchir et permet de découvrir un peu plus Médine.
Ils Peuvent(7)est certainement le morceau qui présente le moins d'intérêt à mes yeux.
Sur le fond, rien à dire. Par contre la forme ressemble trop à du slam,
et la répétition parait intéressante la première fois, mais finit par
lasser, aussi à cause du manque de musicalité. Encore un morceau bâtit
sur une structure répétitive, à la fois dans le texte et l'instru:
Besoin De Révolution(12). Mais là, le morceau s'écoute sans problème, grâce à une interprétation percutante. Dans un autre genre poétique,
Code Barbe(10)est typique de la chanson qui allie fond et forme. Ce texte est un
éloge décalé à la fois caustique, lorsque Médine dit avoir une coupe
afro sous le menton, et pertinent, lorsque qu'est rappelé que Abraham
Lincoln avait une barbe, et qu'elle n'avait pas du tout la même
connotation que la sienne. C'est bien vu.
Récits homériquesRER D(4)est un récit complet en trois temps, rythmé par des extraits du journal
télévisé. En premier, la déposition mensongère de Marie Leblanc, femme
qui a prétendu s'être fait agresser par des banlieusards antisémites
puis, le traitement médiatique du mensonge, qui a rapidement fait des
banlieusards des antisémites barbares, et pour finir la réaction de
Médine à cette folie médiatique, sous forme d'interview. Un morceau
vraiment bien construit dont le parfum d'actualité fraîche rappelle
Boulevard Vincent Auriol (2005).
Kouta Kinté(est le nouvel épisode de la série enfants du destin, qui mériterait un
album à elle toute seule. C'est le récit de l'histoire de Kounta Kinté,
Ouest Africain trahi et vendu par ses semblables pour être réduit en
esclavage et qui finira par se révolter, puis mourir. Un récit haletant
qui comporte également des variations de rythme impressionnantes et
parfaitement maîtrisées, sur un fond d'ambiance de conte africain. Un
grand moment d'histoire, puisqu'il s'agit de déportation, dont la
narration rappelle aussi celle du
17 Octobre (61).
Dans
Camp Delta(11),
Médine traite d'un un sujet récurent dans ses textes: la prison de
Guantanamo, à Cuba. Mais il le fait avec une méthode drastique c'est à
dire en imaginant l'enlèvement et l'incarcération, à Guantanamo, des
trois personnalités préférées des français:
J. Hallyday, Z. Ziadne et Y. Noah.Une façon très insolente de sensibiliser à ce réel problème. Force est
de constater que si cela arrivait l’injustice qui s’y déroule aurait
forcément un autre écho.
Messages fortsLe slogan
Don't Panik(5)de Médine, par lequel il veut diffuser un message d'apaisement social,
est un message fort. Cependant, le traitement est un peu facile ici.
Dommage, on aurait pu s'attendre à mieux.
A L'Ombre du Mâle(6), se trouve la femme, à qui Médine rend hommage comme il l'avait déjà fait dans
Combat De Femme (Jihad en 2006). Trèves de longs commentaires, juste un un extrait:
"j'ai mis de l'eau, pas dans mon vin mais dans mes vers/pour celle qu'on juge qu'entre les oreilles et les ovaires." A noter la présence de la chanteuse Allemande d'origine Nigerianne
Nneka sur le morceau.
Les confidences de l'albumEn feat avec
Tiers Monde dans
Panther Blues(9),
l'amertume de Médine est effrayante puisqu'il confie qu'il préfère les
animaux aux hommes, mais il le fait avec une dérision pertinente. Il
observe par exemple que la bêtise de l'Homme va justement jusqu’à
l'imitation de l'animal, notamment du singe: avis aux tifosis. Dans la
dernière chanson, Arabospiritual(13), Médine, chose inédite, se
raconte. Le morceau dure près de dix minutes, comme pour rattraper son
omission passée de confidences biographiques. Il y explique, avec une
certaine répartie, pourquoi il n'a jamais été gangster, ou encore
boxeur. Mais il raconte également l'histoire de
DIN Records, son label, histoire d'un collectif dans lequel Islam et Rap ont joué le rôle de liant.
En
un mot, c'est du made in Médine, comme promis. Toujours autant de
références culturelles, sans que la forme en pâtisse. Ca reste
mélodieux, puissant et engagé. La qualité est au rendez - vous, et fait
oublier qu'il n'y a que 13 titres. Médine se livre un peu et se montre
encore autant complexe que fédérateur. On peut dire que cet album
marque une progression chez un artiste qui a toujours eu une certaine
consistance.
Chronique rédigée par Aleko