Merci à Bess d'avoir retranscrit cette interview!
Donc voilà l'interview "sentiments de récolte" :
Donc voilà l'interview "sentiments de récolte" :
Qui écoute la "lecture aléatoire" de Médine comprend facilement que le rappeur fait partie de cette génération ayant vu la discipline prendre son envol en France alr kil méttait le pied à l'étrier. Baccardi, lui, était déjà en plein dedans. Tant et si bien qu'il se permet de lancer dans les mises en garde : "Quand trop de parasites entrent dans ton mode de fonctionnement, l'artiste s'y perd. Et je parle en connaissance de cause. Il faut se protéger de pas mal de choses dans ce business, car il n'y a plus de valeurs dans le monde de l'argent". Alors que son partenaire d'un titre annonce, aux antipodes, "n'avoir pas encore vu les coulisses du rap fr". On croirait presque que ces 2 là n'évoluent pas dans le même monde, dans le même rap. Et pourtant...
Ayant pris vos marques à 2 époques bien distinctes, qu'est-ce qui vous rapproche finalement ?
Pit Baccardi : L'amour de cette musique. En écoutant un artiste, tu peux imaginer son bagage rapologique et sa passion. Le problème en rap fr,aujourd'hui, est que bcp de choix ou collaborations sont faits en oubliant le côté artistique, qui est la base de tout.
Médine : D'ailleurs, on le ressent dans le morceau ("la récolte"), on sent bien que c'est pas un titre destiné à ouvrir la porte des radios ; le refrain vient très tard. Puis, ça rappelle l'atmosphère de cette époque qu'on a en commun, dans un sens. C'est une des première phrases du morceau : "Si on rappait comme en 98".
Faut-il être nostalqique de cette époque ?
P.B : Non, je n'ai pas envie de m'enfermer dans ce débat. Cette phrase met juste en avant un réel changement. Je n'écoute plus bcp de rap fr et personne ne m'apprend rien, tant au niveau musical que lyrical. Je ne ressens pas la saveur qu'il y avait à cette époque. C'est quelque chose que j'ai néanmoins retrouvé chez Médine, car il a su conserver cet état d'esprit.
Médine : Le rap a évolué sur le plan de la forme. C'est incontestable, les gens ont excellé dans la technicité, le flow, etc.Mais pour ce qui est du fond, on a plus ou moins régressé. Le rap est parti à l'encontre de ses valeurs de la fin des 90's. En mettant en scène les richesses, etc.-chose qui, dans une autre conversation serait compréhensible- il a rédgressé. D'un capital de connaissance, de références historiques, des quartiers populaires, nous arrivons finalement à tout ce qui est en opposition à nos conditions de vie : le capitalisme, l'exagération du bling bling, etc. Alr qu'est-ce qu'on fait ? En 2007, on dit qu'on rappe comme en 98 pour pouvoir retrouver une atmosphère beaucoup plus consciente.
Quelle est vraiment l'importance de tout cet héritage ?
M : En 98, j'étais au coeur de mon développement personnel en tant qu'artiste, et c'est ce rap-là qui m'a construit. Je ne peux pas, aujourd'hui, aller à l'encontre de ce qui a constitué ma matrice artistique et cracher sur ce qui m'a donné l'envie de rapper. Je ne peux que copier ce qui, pour moi, est l'idéal du rap.
P.B : J'ai cette même base, j'ai été attiré par cette musique grâce au fond, à impact du message sur la société. J'ai aussi eu bcp de modèles américains et, ce que j'en garde, c'est le côté business. Car chez eux, il faut parfois passer outre le message...Bcp de rappeurs français ne voient pas le travail derrière toute l'imagerie américaine, croient qu'il s'agit de s'amuser et fumer des dollars par-ci par-là...
Vous pensez vraiment que les gens sont dupes ?
M : Bcp plus qu'on ne le croit. En parrallèle, il y a le rap ghetto. Les armes dans les clips, etc influencent nos petits frères et soeurs de la même manière que les vidéos américaines. Et c'est là qu'on a un rôle à jouer en tant que "rappeurs conscients" -même si on ne prétend pas avoir le monopole de la conscientisation du rap. Il faut se rendre compte que le public aujourd'hui achète ce qu'il voit à la télé...Et ce que celle-ci éveille en toi, c'est uniquement tes bas instincts.
P.B : C'est important de redonner des repères, parce qu'il y a une nouvelle génération d'auditeurs. Et que vont-ils retenir ? Que le rap, ce sont des mecs qui baisent plein de meufs et qui ont des armes. Alr qu'à la base, il a permis à une minorité de pouvoir s'exprimer, dire au monde qu'elle existait. Après chacun véhicule ça à sa manière...Mais il ne faut pas oublier la finalité, il ne faut pas que se faire des thunes soit une source de motivation.
En soutenant ce point de vue, vous acceptez de vous mettre en marge de ce qui "marche" ?
M : Le rap est en pleine déflagration. J'y trouve 2 raisons. La première vient des rappeurs eux-mêmes, qui bien souvent se mettent au niveau des auditeurs. Ils n'ont pas envie de recevoir des messages les poussant à réfléchir, alr on ne leur donne pas. Les rappeurs vont à l'encontre de ce que dit Kery James : "Je ne suis pas là pour leur dire ce qu'ils veulent entendre". Notre rôle n'est pas de produire de sons à la demande, il faut élever le niveau et faire évoluer la discipline en donnant des pistes, des références historiques, changer Tony Montana en Massoud, The Pequeno en Malcom X etc. Ensuite, c'est la faute aux médias, qui ne sentent aucune responsabilité et ne soutiennent pas les efforts des rappeurs disant des choses sensées et préfèrent, eux aussi, s'engouffrer dans cette course à l'image. Tout est un peu faussé, ce n'est pas nous qui décidons d'être, ni ne sommes, en marge.
Dans quel contexte, peut-on dire qu'il se produit encore des "classiques" ?
P.B: Très clairement, non.
M: Mais pit est aigri aussi, et c'est normal ! "Thug Life" par exemple, pour moi, c'est certainement un classique du rap fr. Quelques perles sont venues au monde dans ces 10 dernières années, dont "la vie qui va avec", "Paradis assassiné", etc.
P.B : Effectivement, ce titre est imparable, mais je parle d'albums classiques. Il y a forcement des titres où il se passe des choses...Mais là on t'en cite 2 alr qu'à l'époque, on pouvait en trouver des dizaines. Aujourd'hui, les mecs ne veulent pas donner, alr forcement plein de gens ont décroché, n'écoutent plus de rap. Mais après, il ne faut pas se le cacher, t'es aigri parce que tu as grandi dans un certain environnement et les époques changent. Et il ne faut pas mourir vieux con, il faut comprendre que les choses ont changé et il faut s'adapter au nouvel état d'esprit.
Comment percevez-vous l'avenir du rap fr ?
P.B : Les médias veulent du léger, du fatal bazooka, kamini...C'est un vrai problème car il y a plus de barrières qu'à l'époque, et énormement moins de place au développement. Mais nous avons encore ce souci de faire évoluer les mentalités. Si ceux qui ont fait cette musique - comme Ärsenik, la FF,etc - reviennent en force sur le devant de la scène et que la nouvelle génération arrive avec des albums lourds, on va recentrer les choses, dépolluer. Un temps, j'ai vu qu'artistiquement j'allais dans une direction qui n'était pas la mienne et je ne kiffais plus le rap. Aujourd'hui je reviens - je n'aurais pas la prétention de dire comme un sauveur- mettre ma pierre à l'édifice. Et faire le morceau avec Médine, c'est une façon de marquer le coup, car c'est un des MC qui me réconcilie avec le rap, il démontre qu'on peut toujours faire des choses.
M : Ma prévision peut être faillible, mais j'ai très bon espoir pour le rap fr de demain. Nous sommes dans une période de remise en question où tout le monde tente de marquer son époque et faire évoluer la discipline. On cherche une nouvelle façon de traiter des thèmes, comment donner des références sans paraître balourd ou passer pour un prof. A moyen terme, il y aura un trou d'air où tout le monde va, sinon s'arrêter, du moins stagner. Enfin, à long terme, une remontée d'altitude. Et businessement parlant, il n'y a qu'une solution...Tant que les majors ne se rendront pas compte que les indés ont un savoir-faire qu'ils développent au quotidien, elles ne pourront pas apporter un rap de qualité sur le marché. Et il ne faut surtout pas que les indés se mettent à cracher dans la soupe quand une major vient les voir. Il faut travailler dans une entente cordiale, côte à côte, pour que le rap relève la tête.