Chronique de place 54 sur le site bokson:
Avec «Place 54», Hocus Pocus passe clairement la vitesse supérieure. La joyeuse troupe n’est manifestement plus seulement un groupe hip hop tant elle expose ici une richesse d’influences qui l’écarte définitivement des stéréotypes du genre. On en entend déjà quelques-uns s’acharner sur un répertoire désormais plus lisse, digne d’une grosse production française. Même si on ne parviendra pas à leur donner tort, rien pourtant ne nous permet de minimiser un acharnement de longue date qui en vient enfin à être récompensé. Hocus Pocus mène sa barque sans aucune fausse note, et ne joue tout simplement plus dans la même cour que ces artistes, parfois superficiels et insipides, que les radios ont pris l’habitude de nous servir sans modération durant ces dix dernières années.
Hocus Pocus est simplement devenu une machine extrêmement bien huilée. La teinte jazzy qui venait colorer son hip hop sur «73 Touches» est désormais beaucoup plus criarde et omniprésente, ne laissant qu’en quelques occasions la place à d’autres couleurs, comme celles des musiques du monde («Quitte à t’Aimer feat Magik Malik», «Touriste») ou de la soul («Mr Tout Le Monde»). Reste que, qu’il sonne intimiste («Normal») ou plus énergique («Smile feat Omar»), le talent des musiciens est indiscutable, qu’on aime ou non ce représentant tendant à rendre le hip hop français un peu trop gentillet.
Et ce ne sont pas les lyrics qui viendront changer la donne: le flow toujours impeccablement posé de 20Syl abordant de multiples sujets, tout comme sa plume fine et polie, l’amenant à faire passer son message plus facilement que s’il s’adressait uniquement à un public tout acquis à sa cause. En effet, en y mettant la forme, en le convaincant à coups de très bons textes réalistes («Place 54», «Vocab!») et personnels («Je La Soul», «Tournée», « Histoire d’une VHS»), pas de doute qu’un public adulte, ayant toujours décrédibilisé les propos d’une jeune génération fougueuse, prêtera un peu plus d’attention à ses points de vue, qu’il s’agisse d’une critique de son pays («Quitte à t’Aimer»), et de sa télévision («Mr Tout Le Monde»).
Mais que le public le plus fidèle à Hocus Pocus ne craigne pas pour autant d’être totalement déconcerté par ce nouvel album. Car s’il cible nettement un auditoire beaucoup plus large et adulte, les Nantais n’en oublient pas de nous assouvir de quelques titres purement hip hop, dans la lignée de «73 Touches» («Recyclé feat Fred Wesley & Stro the 89th Key», «Vocab! Feat TLove & The Procussions», «Tournée», «Je La Soul»). Comme une démonstration en quatorze titres que le hip hop français peut proposer autre chose que quelques Mcs remontés comme des pendules. Celui d’Hocus Pocus s’écoute autant qu’il se lit: un talent finalement trop rare pour qu’il reste injustement à la portée de quelques initiés seulement.